La décision rendue le 13 mai 2009 par la 16ème Chambre A de la Cour d’appel de Paris se prononce sur de nombreux points essentiels du contentieux de l’annulation de congé délivré par le nu-propriétaire (également indivisaire) sans accord des usufruitiers et indivisaires.
En l’espèce, un bail dérogatoire en date du 1er septembre 1988, converti par suite en bail commercial, avait été consenti par une épouse séparée de bien.
A son décès en 1998, la propriété de l’immeuble loué était dévolue à son mari et ses enfants, avec démembrement du droit de propriété. Une attestation immobilière constatant le transfert de propriété avait été reçue par un Notaire. Puis, le 13 décembre 2000, le mari, se présentant comme « propriétaire », avait fait délivrer congé avec offre de renouvellement à effet au 30 juin 2001 moyennant un loyer déplafonné.
Le locataire avait accepté le principe du renouvellement par lettre recommandée, mais un désaccord subsistait sur le montant du loyer renouvelé.
Le veuf n’avait cependant pas agi en fixation dans les deux ans de la forclusion biennale, de sorte que toute demande en fixation aurait été jugée irrecevable.
Lors de la première révision triennale, ce dernier avait seul saisi le Juge des loyers Commerciaux d’une demande de déplafonnement sur le fondement de l’article L 145-38 du Code de Commerce, puis, le preneur ayant émis des doutes sur sa qualité à agir, s’était désisté.
L’ensemble des héritiers faisait alors délivrer un nouveau congé le 21 septembre 2005 à effet au 1er avril 2006. : par ce nouvel acte extrajudiciaire, les héritiers considéraient que le bail renouvelé avait duré plus de 12 ans, et partant, pouvaient fonder une demande de déplafonnement du loyer du Juge des Loyers commerciaux.
Ce dernier congé était contesté par voie d’assignation par le preneur comme faisant échec à la durée de neuf ans du bail commercial, le renouvellement étant acquis, selon le preneur, au 1er juillet 2001.
L’indivision bailleresse soutenait essentiellement qu’en l’état du droit positif, le congé délivré par un indivisaire/usufruitier, sans l’accord des autres, devait être jugé nul et de nul effet, et que partant, seul le deuxième congé pouvait être pris en considération, le bail devant être renouvelé à effet du 1er avril 2006 ;
Le preneur lui opposait à titre principal que sa demande tendant à faire juger nulle le premier congé était prescrite par la nullité quinquennale édictée par l’article 1304 du Code Civil, moyen qui fut adopté par le juge de premier instance alors que l’ « indivision » bailleresse, défenderesse à l’instance, soutenait que la nullité étant soulevée par voie d’exception, la prescription ne pouvait recevoir application.
Les héritiers interjetaient appel de cette décision, et la 16ème chambre section A de la Cour d’appel de Paris s’est prononcée par arrêt en date du 13 mai 2009.
Les juges d’appel, réformant la décision de première instance, ont jugé la demande non prescrite et prononcé la nullité du premier congé : la cour d’appel indique que si l’article 1304 du Code civil est bien applicable (ce qui est débattu en doctrine s’agissant d’un acte unilatéral), la prescription n’est pas acquise faute pour le preneur de démontrer que les héritiers qui n’avaient pas fait délivrer le premier congé en avait été informés.
L’arrêt précise également que le locataire a l’obligation de s’assurer que l’auteur du congé est bien propriétaire au besoin en vérifiant auprès du Bureau des Hypothèques la propriété de l’immeuble
En revanche , la cour d’appel, et cela est plus exceptionnel, condamne l’indivisaire qui s’était présenté comme « propriétaire » à plusieurs reprises, et qu’elle juge fautif, à garantir le preneur de toute augmentation liée à un déplafonnement fondé sur une durée du bail expiré supérieure à 12 ans. Elle autorise également le preneur à compenser cette garantie avec les loyers éventuellement augmentés à hauteur des droits de l’indivisaire fautif.
La décision du 13 mai 2009 ouvre, sous réserve de démontrer une faute de l’auteur de congé, de belles perspectives de recours pour les preneurs pris au piège de la règle des douze ans à la suite de l’annulation d’un congé délivré par la partie bailleresse.
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