Les limites du dispositif VISALE pour les bailleurs

par | Nov 9, 2016 | Bail habitation, Blog juridique | 2 commentaires

Je ne vais pas revenir ici sur le détail des conditions permettant de bénéficier du dispositif VISALE, ou encore sur les garanties précises, très bien expliquées sur le site visale.fr .

En revanche, je souhaiterais, de manière informelle et dans un langage compréhensible par le non juriste, attirer l’attention du bailleur sur les difficultés et points faibles du mécanisme, ainsi que sur les risques juridiques encourus, lesquels ne sont pas neutres:

Le cautionnement visale : présentation

Le dispositif mis en place repose sur la technique du cautionnement. Certes, il s’agit d’un mécanisme public, mais savez-vous quel est le premier réflexe de toute assurance ou administration à qui l’on demande d’indemniser en qualité de caution ?  Tout vérifier pour, si cela est possible, ne pas payer.

Est ce que les conditions sont bien remplies ? Qui a signé ? Les délais ont été respectés ? Avez vous l’accusé de réception de la mise en demeure ? etc. etc.

Imaginez au surplus (et il faut pas beaucoup d’imagination vu les Lois de Finances) que le budget alloué à ACTION LOGEMENT ne soit pas suffisant, de nombreux locataires n’estimant pas utile de payer puisqu’ils ne risquent pas de résiliation de bail à court terme.

De là à penser que, pour sélectionner les dossiers indemnisés, les services juridiques éplucheraient méticuleusement vos déclarations, la décence, le montant du loyer qui dépasserait le montant du loyer encadré, etc, il ne faut pas faire preuve de paranoïa, mais seulement d’anticipation.

Quid en cas de remise en cause du cautionnement VISALE

Imaginons maintenant que pour une raison valable ou non, le cautionnement VISALE vous soit refusé, un an et demi après votre signature.

Votre situation se complique sérieusement : votre locataire ne va pas manquer de vous le reprocher dans la procédure ! Normalement, la caution aurait dû jouer, mais par votre faute (vous avez égaré l’accusé de réception), la caution ne veut pas payer. Bien entendu cela lui causera des préjudices… et il obtiendra des délais:

Et si vous êtes courageux, vous pourriez être tenté d’assigner en Justice action logement, si vous trouvez devant quelle juridiction (Tribunal administratif / Tribunal d’instance ?), vous risquez de vous voir opposer la moindre erreur et condamner à des frais de procédure non négligeables:

VISALE et l’encadrement des loyers

Imaginez que comme de nombreux bailleurs, vous n’ayez pas respecté le loyer fixé par l’autorité administrative.

Pensez-vous que VISALE indemnisera un loyer trop élevé ?  Permettez-moi d’en douter. Je vois mal un mécanisme public payer pour des loyers prohibés. est-ce une cause de déchéance de garantie ?

Peut-être bien que oui, peut être bien que non…

Nous le serons dans 4 ou 5 ans lorsque la Cour de cassation aura tranché cette question, mais d’ici là tout est possible…

VISALE et la décence

Souvent les locataires prétextent un problème de décence pour ne plus payer leur loyer.

Imaginons qu’un locataire soulève ce point, pensez-vous que VISALE indemnisera le bailleur.

Je crains que la réponse ne soit négative, à moins que cela ne soit prévu dans le contrat de cautionnement que je n’ai pas pu obtenir malgré plusieurs demandes

VISALE et les dégradations locatives et frais de procédure :

Souvent présentées comme une assurance loyers impayés gratuite pour ceux qui sont éligibles, il faut savoir cependant que  .

  • VISALE  ne couvrait pas les dégradations locatives au début, mais finalement une couverture des dégradations locatives  est accordée dans la limite de deux mois de loyers, ce qui n’est pas grand chose.
  • VISALE à ma connaissance ne couvre pas non plus les frais de procédure (huissier, Expert, Avocat), dans l’hypothèse où ACTION LOGEMENT SERVICES ne ferait pas le nécessaire pour diligenter la procédure.  Il faut donc avoir conscience qu’en cas d’impayés, s’ajouteront les frais de procédure.
  • lorsqu’un locataire refuse de quitter spontanément les lieux, entre les 2 mois du commandement, puis les deux mois antérieurs à l’audience, puis, le délai de délibéré, puis la trêve hivernale de 5 mois, et les deux mois précédant la réquisition de la force publique, et le mois minimum constaté pour la mise en oeuvre après commission en préfecture, il faut plus d’un an pour reprendre son logement. de sorte que si la procédure intervient 6 mois avant la fin du cautionnement, il faut compter minimum 6 mois de loyers encore perdus avec VISALE.

VISALE et la résiliation judiciaire du bail – ralentissement en perspective

Il faut également savoir que lorsque VISALE fonctionne, vous perdez a priori le droit d’agir en Justice pour résilier le bail car vous subrogez ACTION LOGEMENT dans vos droits:

Et alors me direz-vous ?

Et alors, si vos impayés se produisent quelques mois avant la fin du cautionnement (limité à trois ans sauf erreur de ma part), vous devrez attendre l’expiration du délai pour engager la procédure. Vous perdrez quelques mois supplémentaires de procédure (qui prend elle même naturellement le temps dans un souci de protection du locataire). Il faudra repartir à zéro : faire délivrer commandement, dénoncer, assigner, conclure, plaider: pourquoi ne pas anticiper et faire délivrer un commandement de payer avant ?

Imaginez que ce commandement soit jugé nul parce que vous aviez subrogé vos droits au profit de votre caution, et que la décision intervienne en appel, après 3 ans de procédure : ce n’est pas une blague, mais toute la procédure d’expulsion risque de s’écrouler, et il faudra tout recommencer à zéro.

Vous ne pourrez vraisemblablement pas plus faire valoir les impayés comme motif de résiliation du bail dans un congé, à l’issue des trois ans, ce n’est a priori pas l’esprit de la loi.

Conclusion

En conclusion,  VISALE, qui part d’une bonne intention, mais … ne dit on pas que l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Cette usine à gaz risque d’exploser lorsque certains bailleurs demanderont à être indemnisés. Mieux vaut en avoir conscience.

Enfin, VISALE présente une forme d’injustice car il solvabilise artificiellement des locataires par rapport à d’autres qui ont pourtant objectivement un meilleur dossier, et ces derniers se verront in fine refuser injustement leur candidature.

Cette solvabilisation maintient artificiellement des loyers élevés en faussant une fois de plus la loi de l’offre et de la demande, comme le fait le parc public.

Mais l’effet pervers principal sera sans doute de déresponsabiliser les locataires bénéficiant de ce dispositif, qui bénéficient de facto d’une forme de crédit gratuit.

Avec VISALE, finalement on achète ses loyers à crédit, au meilleur taux, mais pour en bénéficier, il faut avoir un mauvais dossier. Tout cela est aussi absurde qu’injuste et finira par un nouvel échec.

VISALE et l’épidémie de COVID 19 – Mise à jour 27 mars 2020

Tout laisse penser que la crise sanitaire liée à l’épidémie de COVID 19 risque de révéler des problèmes de solvabilité de la caution, ACTION LOGEMENT.

Dans son rapport pour 2018, ACTION LOGEMENT dévoilait que plus de 320 000 locations étaient garanties par le dispositif VISALE, mais que le fonds pour garantir n’était que de 95 millions d’euros, ce qui peut paraître très insuffisant dans les prochains mois.

VISALE COVID 19

le dispositif VISALE pourra t il résister au COVID 19 ?

Ce fonds semble très insuffisant pour absorber une vague de loyers impayés dans la mesure où de nombreux locataires devenus insolvables vont essayer de persister dans leur location, et privilégier des dépenses alimentaires plus basique pour faire face à des temps difficiles.

De nombreux bailleurs risquent d’être déçus, s’ils comptent sur des remboursement en provenant d’ACTION LOGEMENT, ou même s’ils croient que l’organisme gérant le dispositif va solliciter des expulsions en masse, car se serait un aveu d’échec.

Tout laisse penser que le bailleur ne sera pas complètement indemnisé  (pour ne pas dire très partiellement) et que des locataires vont être laissés dans les lieux, notamment ceux qui arrivent en fin de dispositif.

Il faut donc que ces derniers soient réactifs et qu’ils engagent une procédure en acquisition de clause résolutoire dès que le dispositif VISALE  n’indemnise pas.

Ils doivent également être très vigilants sur les formes et les délais de déclaration d’impayés auprès de la caution, sous peine de se voir opposer peut être une absence de garantie.

2 Commentaires

  1. Bonjour,

    j’ai lu votre article avec intérêt. Je suis une personne sérieuse et honnête. J’ai toujours payé toutes mes factures en temps et en heure. Sous prétexte que je n’ai pas de parent pouvant se porter caution pour moi et que je n’ai pas de CDI je devrais rester à la rue? Je galère à trouver un logement parce que les bailleurs me refusent visale,, alors pour l’égalité des chances on repassera. Sans compter qu’il faut débourser un loyer plus une caution plus des frais d’agence en une fois! J’ai 28 ans et j’ai connu plus de bailleurs profiteurs que de bailleurs honnêtes. Des loyers hors de prix, des logements mal isolés, ça ils nous en proposent! Est-ce que vous vous rendez compte que l’on vit dans un société où c’est l’argent qui décide de la dignité humaine? A bon entendeur.

    • Chère Madame,

      Je partage votre indignation, mais je crois sincèrement que le remède législatif est pire que le mal.

      Plus vous mettez des freins dans les garanties que peut exiger un bailleur, plus vous :

      1/ l’inciter à préférer les locataires qui gagnent beaucoup plus que le loyer demandé, éliminant en conséquence indirectement les locataires aux revenus modestes.

      2/ l’inciter à ne pas louer, ce qui retire du marché immobilier son bien, et donc fait monter les prix de marché.

      En Espagne, le gouvernement précédent a fait exactement l’inverse de notre législation : les durées de location et les garanties ont été libéralisées. Que s’est il passé : les bailleurs ont exigé dans un premier temps des pris et des garanties que le marché ne leur pemettait pas d’obtenir. En revanche beaucoup de bailleurs ont mis à la location leur bien.

      Résultat : naturellement les loyers ont baissé de 30 à 40 %, sans répression sans stigmatisation, et au bénéfice principal des revenus modestes.

      En France, un français sur six bénéficie de logement aidé : vous ne croyez pas que cela tire les prix vers le haut du secteur libre ?

      Ce que je veux dire, c’est que la démagogie n’est jamais une bonne solution, qu’il faut comprendre le problème pour apporter de bonnes solutions. Trop de protection se retournent contre celui que l’on veut protéger. c’est exactement la même chose en matière de droit du travail.

      Enfin, je vous confirme qu’effectivement de nombreux bailleurs abusent dune position dominante créée par une politique déconnectée de la réalité.Il y a également de nombreux locataires qui ne payent pas des loyers et détériorent les biens loués par des petits retraités qui se retrouvent en difficulté.

      Je ne parle même pas d’un cas que j’ai eu à défendre d’un bailleur qui dormait à la rue pendant que son locataire ne payait pas ses loyers.

      Les petits et les faibles ne sont pas toujours du côté des locataires, en ces temps ou les taux d’intérêts sont historiquement bas, et où l’activité en France n’a jamais été autant fiscalisée.

      Que feriez vous d’ailleurs vous même si ayant un prêt à rembourser chaque mois et des charges de copropriété à payer, votre locataire ne vous payait pas, et qu’il faudrait 2 ans de procédure coûteuse pour obtenir la restitution de votre appartement ?

      Je suis navré pour votre situation, mais si vous voulez réellement que les loyers baissent et que les logement soient mieux isolés, vous obtiendrez toujours le résultat inverse en décourageant d’investir dans la pierre, en sur réglementant et en taxant.

      C’est moralement discutable (tout dépend de vos idées), mais c’est l’histoire du monde.

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